Ce jeudi-là, Charles Lagrange s’emporte et Alphonse de Lamartine s’épanche, Auguste Billault déconcerte son auditoire. De leurs bancs, Adolphe Tiers et Victor Hugo écoutent et observent. La plupart assistent en spectateurs à l’un des plus riches débats d’idées que l’histoire parlementaire française ait connu. Il s’agissait-là d’une mémorable séance de l’Assemblée nationale constituante de la IIe République (14 septembre 1848). Pour démêler l’écheveau des discours qui la scandent, Thomas Bouchet suit pas à pas des représentants du peuple confrontés à la question qui figure à l’ordre du jour : le droit au travail. Leur responsabilité est lourde : s’ils font figurer ce droit dans le préambule de la constitution, la république sera sociale.
Journaux, comptes rendus de comités et de commission, textes politiques, écrits sur l’art oratoire, mémoires, portraits etc. dessinent les contours d’un âpre combat fait de phrases qui crépitent, de chuchotements discrets ou de pesants silences. On y repère des lignes de clivage et des rapports de force tantôt inédits, tantôt hérités de la Révolution française ou des années de monarchie censitaire. Les règles de l’éloquence politique, les caractéristiques de la vie parlementaire, les dynamiques propres de l’événement et les logiques des parcours individuels ou collectifs aident à comprendre l’entrelacement du discours et de la politique au milieu du XIXe siècle français.