Tout en évitant les écueils de la poésie engagée, Territoires occupés s’enracine dans le défilement tragique de l’actualité, puisant son inspiration dans des figures inquiétantes ou désespérées, sans céder à un moralisme épidermique. Au tribunal suspendu du poème défilent Radovan Karadzic, criminel politique devenu poète en cavale, Bertrand Cantat et d’autres entités plus anonymes, prétextes à une réflexion qui s’enracine dans la biographie de l’écrivaine.
« J’aurais dû dédier ce livre à Bernard Derome, mais le problème, c’est que je lui en veux terriblement. Il me semble que la vie aurait été plus légère si j’avais conservé un peu d’insouciance. »
« Je manque rarement le téléjournal de 22 heures. Une sorte de devoir, de rendez-vous. Si, parfois, je fais faux bond, j’ai l’impression de porter offense à quelqu’un d’important que je ne connais pas, mais qui paradoxalement m’est cher : cet Irakien qui court portant dans ses bras son fils ensanglanté, cette fillette crasseuse qui caresse un chien dans une rue bondée de Cité Soleil, ce vieillard effondré sous l’échangeur d’une autoroute à Montréal ne me pardonneraient pas ma défection. J’occupe donc leurs territoires en voyeuse de salon. Et pour berner mon impuissance, je prends parole. Voici mon livre, une suite de textes brefs qui s’enchaînent et défilent comme les nouvelles du téléjournal, où se côtoient le fait divers et l’Histoire et qui parlent d’aujourd’hui. Des visages, des paysages et des bêtes, sortis de l’écran qui les retenait prisonniers, viennent enfin s’étendre sur les plages blanches de mon livre pour y trouver un peu d’apaisement. Que ce livre puisse être comme des bras qui se referment sur ceux et celles qui ne peuvent jamais répondre présents. »
Christiane Frenette, juillet 2007 (texte publié dans Le Libraire)
« Ma mémoire renonce
aux larmes.
L'écran s'éteint.
Et l'océan d'un coup se retire.
Je raconterai
dans mes livres
ce que je vois
chaque soir à 22 heures. »