Qu’est-ce que « lire » ? C’est autour de cette question que se déploie cet essai qui se voulait d’abord une réplique au livre de Laurent-Michel Vacher, Le crépuscule d’une idole. Nietzsche et la pensée fasciste (2003). Sans répondre à la nécessité de défendre un auteur, ici Nietzsche, cet essai prend en fait parti pour tous les textes dont on voudrait qu’idéalement ils ne subissent ni les délires de l’interprétation ni la tyrannie de la clarté, si courants aujourd’hui. Ce livre prend ainsi la mesure de l’anti-intellectualisme ambiant et les dangers de ce qu’on appelle si souvent la « société de l’information ».
Si « le crépuscule des intellectuels » désigne donc l’épuisement d’un certain modèle de rapport aux œuvres et à la société, il renvoie aussi à une valorisation possible de l’intellect qui participe toujours d’un patient clair-obscur et d’un jeu de dégradés subtils, d’où l’indispensable sens des nuances des intellectuels face aux journalistes, comme du savoir face à l’information. La figure sociale de l’intellectuel peut certes disparaître, l’intelligence se recompose toujours ailleurs. Cet essai voudrait en esquisser une figure possible, celle du lecteur, ou plutôt celle de « l’intellecteur ».