J’essaie de réveiller dans le mot « âme » l’énergie ou la force d’exister, comme lorsque l’on dit d’une personne qu’elle « a de l’âme » ou qu’elle inspire un je-ne-sais-quoi. L’âme est un mythe, bien sûr, mais c’est grâce au mythe que l’on se lève de sa chaise et que l’on agit ou que l’on parvient à donner un sens à notre présence sur terre. Je reçois ainsi la beauté du mot « âme » comme on ramasse un caillou lavé et poli par la mer, aussi lisse qu’une forme ayant roulé d’une phrase à l’autre des milliers d’années durant. C’est cette puissance évocatrice des formes usées que je voudrais recueillir, cette douce usure de l’immémorial. Car ma conviction la plus intime veut que la littérature soit une affaire d’âme et inversement que l’âme ait trouvé dans la littérature sa forme même.