À l’extrémité nord du boulevard Jacques-Cartier à Sherbrooke, la voie royale ouverte à l’automobile par l’Occident s’arrête net devant un boisé qui défie la civilisation à sa façon, en laissant pousser des hêtres, des saules, des érables, des frênes, des mélèzes et quelques pruches en plein cœur d’une ville qui avait pourtant planifié la poursuite de son œuvre d’éradication des forêts. Dans Le discours de la méthode, René Descartes explique la meilleure façon à son avis pour sortir de la forêt lorsque l’on s’est égaré : aller en ligne droite jusqu’à ce qu’une éclaircie se fasse jour. C’est la voie qu’a empruntée l’Occident depuis que l’homme s’est voulu, selon les mots du philosophe, « comme maître et possesseur de la nature ». La ligne droite du boulevard Jacques-Cartier, longue de plusieurs kilomètres, représente parfaitement le développement urbain des derniers siècles dans toutes les villes érigées suivant un plan rectiligne qui s’oppose aux courbes des tracés végétaux, des arbres et des bosquets que l’on s’évertue à faire entrer dans les cadastres municipaux, mais qui par leur aspect sauvage rappellent aux promeneurs un temps où les rivières et les tracés incertains des forêts servaient à délimiter les terres.
La forêt Beckett n’est pas une forêt quelconque : c’est un symbole bien réel de ce que doivent être à l’avenir les manières de développer les territoires tout en laissant à la flore et à la faune de larges couloirs de verdure.
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