« — Ouais, OK, pis depuis quand c’t’un problème, de lire?
— Bin, c’pas lire qui est un problème, c’est l’gars qui lit.
— J’t’un problème?
— Non, t’es pas encore un problème, mais ton père pis moi, on s’inquiète de c’que c’est que, tsé, avant, t’étais moins comme ça, pis là, tu fais pas les affaires de ton âge, de lire tout l’temps a’ec c’te drôle de linge là su’ l’dos.
— Mais m’man!
— Faut tu t’fasses une tête sur aut’ chose que des idées!
— Qu’est-ce qui est "aut’ chose que des idées"?
— La vraie vie! Pis pas c’que les aut’ pensent pis ont écrit y a deux mille ans! La vraie vie! »
Saint-Hyacinthe. Milieu des années 1990. Sam a quinze ans lorsqu’il trouve, à la cabane dans le bois de sa famille, une boîte de livres de son oncle suicidé, le communiste solitaire dont personne ne parle. Surtout des livres de philo. Quel rapport entre la philo et la carrière d'optométriste que son grand-père lui destine, entre la philo et l’élevage de 2 500 cochons de son ami Marc, entre la philo et le référendum de 1995? Sam ne sait pas, mais il lit, lit, lit encore, au point d’inquiéter tout le monde. Cet héritage choisi l’éloigne de ses amis, change sa perspective sur la société, ses choix vestimentaires, son vocabulaire même… Est-ce qu’il s’élève ou il s’isole? Est-ce qu’il apprend à devenir lui-même ou s’aliène-t-il des siens et du monde? Mononc’ Gabriel n’était pas un ange, mais ses livres, pour Sam, tombent du ciel.
Roman d’apprentissage, l’histoire de Sam culminera lors de la grande tempête de verglas de Noël 1998 : pour Sam, ce sera la tempête d’une vie, l’occasion de se mesurer à ses nouveaux idéaux. On reste, après la lecture de ce premier roman, avec l’impression d’un monde dense, cruel mais habitable, et avec le sentiment d’y avoir séjourné. D’avoir, comme Sam, cherché, perdu et retrouvé cette chose que Michel Tremblay a beaucoup chroniqué : le vrai monde.
Pour écouter le premier chapitre de Récolter la tempête, lu par Emmanuel Schwartz, cliquez ici.